Bulletin n°14

Lecture par Pascal Poyet

En tirant un livre de la bibliothèque de mon hôtesse, à Berlin, Korsörerstraße, juillet 2013 : « Die Welt ist alles, was der Fall ist ».

Première proposition du Logisch-philosophische Abhandlung ou Tractatus logico-philosophicus de Ludwig Wittgenstein.

De part et d’autre de la virgule grammaticale, quatre mots.

La grammaire allemande exige une virgule dans ce type de construction.

Un article et un substantif sont féminins d’un côté, masculins de l’autre.

De chaque côté de la virgule, le verbe être. Die Welt ist. Der Fall ist.

Les termes de la relation autour de la virgule : alles, was. Tout, ce qui.

Ils partagent la proposition d’un côté de la virgule en termes de généralité, de l’autre en termes de singularité.

Le monde est tout ce qui est le cas.

Est le monde tout ce qui est le cas.

Le monde est tout, étant le cas.

Unité de genre dans la grammaire française, symétrie de l’équation contrariée, aucune virgule ne s’impose.

The world is all that is the case : une traduction en anglais lue dans une librairie anglaise de la ville, le lendemain.

Celle, plus ancienne, parue très peu de temps après le texte allemand dit : The world is everything that is the case.

Symétrie conservée dans les deux versions, inutilité de la virgule, la grammaire anglaise ne connaît pas de genre.

Que penser de l’apparition du mot thing, chose, à l’intérieur du mot tout, everything, dans la plus ancienne de ces traductions, le monde étant « l’ensemble des faits, non pas des choses », « the totality of facts, not of things » ?

L’anglais ne profite pas de l’homographie, trompeuse, entre Fall (allemand) et fall (anglais).

The word is all — This is the case, a‑t-on envie de lire.

Fall, dit le petit dictionnaire de langue acheté pour presque rien sur le marché aux puces du Mauerpark : 1. Chute, 2. Cas, circonstance, occurrence (cas, y compris dans le sens médical), 3. Juridique : affaire (Strafsache), 4. Grammatical : cas.

Le monde, la chute.

En toute circonstance.

Le monde est tout ce qui est une affaire.

Et l’affaire, c’est qu’il soit…

« Le monde est tout ce qui arrive », « Le monde est tout ce qui a lieu » sont deux traductions françaises. « Le monde est tout ce qui échoit », une troisième.

Cliquer ici pour lire dans son intégralité l’article de Pascal Poyet

Bulletin n°14 - Lecture en ligne. « En tirant un livre de la bibliothèque de mon hôtesse, à Berlin... » par Pascal Poyet — Notes / Parutions.

Note

« Tract » dans Vive le matérialisme !, Verdier « Philia », 2001.

« Donnée cette idée du matérialisme, je pars de propositions négatives : les cinq premières se laissent si aisément engendrer que ce sont de quasi identiques – les trois autres ne paraissent pas tellement liées, mais la réflexion les montre vite non moins nécessaires.

« Les huit contraires vont à rendre les négatives mieux accessibles.

« Si deux lignes, enfin, semblent conclure, ce n’est pas pour ajouter aux thèses, mais pour souligner la symphonie. »

Parutions

Jacques Roubaud, Quasi-Cristaux. Un choix de sonnets en langue française de Lazare Carnot (1820) à Emmanuel Hocquard (1998). Martine Aboucaya et Yvon Lambert, décembre 2012.

Jack Spicer, Trois leçons de poétique, trad. Bernard Rival, Théâtre Typographique, février 2013.

Helena Eriksson et Beata Berggren : Heata-Beana, dokumentation från Göteborgs konsthall 2013.

Consulter les autres numéros