Insincère, très

À tous les sens du terme, Insincère, très peut se lire comme un manifeste.

Manifeste au sens où ce poème propose, dans la concision qui en caractérise l’écriture, un état de la poétique de Jean Daive – poétique dont Werner Hamacher a indiqué l’orientation à travers la notion d’anataxe : donnant, en régime versifié, à entendre une liaison syntaxique entre deux constituants, mais une liaison simultanément dédite par la non relation marquée entre ces constituants.
Phénomène que l’on retrouve aussi bien ici dans le séquençage du texte en six parties, à la fois déliées et liées, que dans les enjambements opérés entre deux pages (audace inédite à notre connaissance dans l’écriture de Jean Daive), ou dans l’usage ici prépondérant du tiret typographique qui renouvelle l’enjeu de l’anataxe – et la part du non-dit dans le dire – depuis Une femme de quelques vies.
La « corde » qui surgit dans la sixième séquence de Insincère, très – outre son évidente fonction de « mot cellulaire »* – peut ainsi s’entendre comme une image dont le tiret typographique figurera la littéralisation.

Manifeste, Insincère, très l’est encore en ce sens que, opposé au latent, il laisse place à un « je » exposé, voire surexposé. Dans cette seconde perspective, le titre du livre apparaît comme une antiphrase (ou mot à dimension négative pour citer Jean Daive dans Une femme de quelques vies) par laquelle le poème se renverse en un formidable « test de sincérité » (George Oppen).