Musée britannique

Semblable à Reine d’Angleterre du point du vue de sa composition, Musée britannique se présente comme une succession de pièces de formats variables, enchaînant courts essais en prose et poèmes réduits à leur minimum : un ou quelques vers isolés sur la page. Comme Reine d’Angleterre, Musée britannique revisite les genres : poétique, didactique, épistolaire.

Cette façon à la fois délicate et fragile d’agencer des textes de genres différents témoigne, pour ce qui est du poème, d’une méthode singulière de composition : Jørn H. Sværen explique qu’il commence par collectionner des mots et des phrases, il les écrit sur des petits bouts de papier et les dispose sur une table. Il les déplace, essaie différentes combinaisons, les place les uns sous les autres, les uns à côté des autres, puis les assemble par pages et ainsi de suite jusqu’à ce qu’un chapitre ou un petit livre à la fin soit écrit. (Cf. Bulletin n°29.)

Du côté de la prose, l’œuvre de Jørn H. Sværen pourrait être rattachée au genre hantologique : le passé ancien (du souvenir personnel) et antique (de l’Histoire), en lequel la prose puise ses motifs, suscite une impression de rêve et de distance qui la ferait appartenir au domaine de la narration.

Ainsi l’opposition entre passé « narratif » de la prose et présent « intemporel » du poème caractérise-t-elle deux régimes d’écriture distincts, que l’auteur s’évertue à maintenir séparés jusque dans le traitement de la question du sens. Le poème demeure énigmatique en ce qu’il déjoue toute tentative d’interprétation. Il ouvre sur le blanc de la page : « la poésie est le bouclier vide » (Musée britannique, p. 101). Dans la prose au contraire les images, représentatives et symboliques – l’emblème dans Reine d’Angleterre, l’héraldique dans Musée britannique –, convoquent un sens rituel et conventionnel qui relève de l’herméneutique.

Ce qui ferait cependant la particularité de Musée britannique par rapport à Reine d’Angleterre est le soin porté à articuler les deux plans que nous venons de distinguer. Dans le chapitre intitulé « Mots et actes », l’auteur parle de sa méthode de travail et décrit « l’histoire » de certains vers publiés dans Reine d’Angleterre ; dans le chapitre intitulé « Cher Stein » il revient sur le rapport entre livre, poème et lettre expliquant ainsi la présence de fragments de correspondance dans ses livres ; dans « Figures » ou « Clef héraldique » il livre sa définition du poème.

C’est ainsi que, dans Musée britannique, l’articulation entre les différents registres d’écriture gagne en cohésion par rapport au livre précédent ; les vides et les pleins (« Blanc et noir ») se conjuguent, composent une architecture subtile et unifiée. Les frontières ou jointures entre les pièces du puzzle désormais s’expliquent ; la rigueur de leur agencement invite à un parcours de lecture plus orienté et qui semble conduire à un possible dénouement.