État. Une politique de l’imprononçable

État. Une politique de l’imprononçable et Conversations avec Anne-Marie Albiach dans l’escalier sont deux livres jumeaux, pensés et publiés en diptyque.

Sous le titre État. Une politique de l’imprononçable, Francis Cohen propose un essai sur la dimension politique à l’oeuvre dans le deuxième livre d’Anne-Marie Albiach. Cet essai peut-être considéré comme une tangente aux Conversations avec Anne-Marie Albiach dans l’escalier dans la mesure où Francis Cohen tire le fil d’une hypothèse de lecture, soumise à Anne-Marie Albiach mais finalement jamais tout à fait acquiescée par elle, à savoir de lire le livre État à partir du texte intitulé « Loi(e) », en pointant la présence marquée (soit par l’italique dans État, soit par le parenthésage dans « Loi(e) ») de la lettre e dans les deux titres.

A la condition de cette hypothèse, Francis Cohen est amené à proposer une lecture politique d’État. Pourtant, comme l’écrit d’emblée Francis Cohen, le politique n’est pas ici un thème du poétique. Il ne saurait l’être. Mais si l’État dit l’Un, la totalité, l’assujettissement, voire la servitude volontaire, l’italique d’État, rendant le mot imprononçable, introduit « la pluralité des noms dans le nom » ou son amuïssement.

Le poème d’Anne-Marie Albiach est un espace délivré, anonyme et pluriel, politique à ce titre, où le nom, voire le genre de l’auteur tendrait à se neutraliser. Refus de toute forme d’exploitation du corps – et notamment, par Marx, du corps comme marchandise – laissant « l’initiative à un langage considéré comme étant hors de tous termes inhérents de causalité » (Anne-Marie Albiach).

L’essai de Francis Cohen, très documenté (une part importante des chapitres de son livre est composée de longues citations – de Marx à Lautréamont, de Maurice Blanchot à Michel Foucault et à Hannah Arendt, de Sylvain Lazarus à Anne-Marie Albiach elle-même –, une bibliographie en fin de volume expose les sources nombreuses et savantes de son essai), permet de s’orienter dans cet espace complexe, multi-dimensionnel, où tout reste toujours à lire et à interroger.

Au delà du livre État, l’angle politique adopté par Francis Cohen lui permettra d’expliquer plusieurs énoncés énigmatiques de La Mezzanine. Le dernier récit de Catarina Quia (ouvrage posthume d’Anne-Marie Albiach) ou de découvrir une mention décisive du syntagme « l’excès cette mesure » dans Le Très-Haut de Maurice Blanchot. Toutes informations essentielles pour approfondir et reprendre la lecture d’Anne-Marie Albiach aujourd’hui.